Le croirez vous ? Richard III a été joué sur la scène du Théâtre de l’Odéon en novembre 1990, pas avant…

Présenté en langue originale, et pour la première fois à l’Odéon avec un système de surtitrage français, le Richard III du metteur en scène et directeur du National Theatre de Londres, Richard Eyre était transposé dans l’Angleterre des années 30.
L’immense comédien britannique Ian McKellen incarnait Richard, un acteur connu aujourd’hui pour son interprétation de Gandalf dans la trilogie cinématographique du Seigneur des anneaux, mais qui fut d’abord un comédien de théâtre, un des pilier de la Royal Shakespeare Company ou du National Theatre, et obtient même deux Tony Awards à Brodway avant de se consacrer plus largement au cinéma à partir des années 90.

S’il est une chose qui ne fait pas défaut à Richard, c’est la lucidité. Sanglé dans son uniforme kaki, le bras gauche raide articulé comme une prothèse métallique, la bible et le mouchoir dans la poche, aussi glaçant qu’un officier nazi entre deux séances de torture, c’est l’acteur Ian McKellen, tournant le dos (bossu) à tout effet pathétique. Monstre froid – pas ange de la mort – il est l’observateur intelligent de ses propres turpitudes et de la lâcheté qui l’entoure.
René Solis, Libération, 22 novembre 1990.

Tout juste quatorze ans plus tard, en novembre 2004, Richard revient, aux Ateliers Berthier cette fois, dans La Rose et la hache, d’après Shakespeare et Carmelo Bene, mis en scène par Georges Lavaudant.
Cette version de Richard III est un concentré, réinventé et réduit par Carmelo Bene à une matière brute dont on reconnaît pourtant tous les éléments qui la composent :

Ramenant le drame shakespearien à ce point central, igné pourrait-on dire, et Richard à cette irréductible solitude, Carmelo Bene laisse l’acteur maître du jeu et libre d’aller sans remord jusqu’à la pointe extrême de lui-même. […] Il faut du génie pour donner corps et unité à cette incohérence, à ces bribes de pensée, à cet éparpillement. Ariel Garcia Valdès a ce génie, et sous les masques les plus divers, garde figure humaine.
Pierre Marcabru, Le Figaro, 20 novembre 2004

La Rose et la hache. Georges Lavaudant et Ariel Garcia Valdès