Trois questions à Ivo van Hove

Photo de répétition © Thierry Depagne

Photo de répétition © Thierry Depagne

Comment en êtes-vous arrivé à vouloir monter Vu du pont ?

J’ai découvert Vu du pont il y a quelques années en travaillant sur Rocco et ses frères, un film de Visconti sur des immigrants italiens passant du Sud au Nord, de la campagne à la grande ville. Pendant mes recherches, j’ai pensé à Vu du pont : c’est le même thème, l’immigration, qui est très actuel. Je trouve donc important, urgent, de montrer cette pièce aussi en France, où elle n’est pas jouée depuis longtemps – après la fameuse version de Peter Brook, très importante, mais il est peut-être temps d’avoir une autre vue de ce Vu du pont.

Qu’est-ce qui caractérise à vos yeux l’écriture dramatique d’Arthur Miller ?

Pour moi, Miller est l’un des dramaturges les plus importants de notre temps. Il est capable de porter à la scène de vraies problématiques sociales, politiques, morales, comme dans la tragédie grecque. Je le place à cette hauteur. Il a aussi un savoir-faire étonnant : chaque réplique est motivée. On ne peut rien couper. C’est très, très bien écrit, à un niveau profond. Une des choses essentielles au théâtre aujourd’hui, c’est de montrer des problèmes qui ne soient pas de la distraction, mais qui donnent à penser.

Quel rôle joue dans votre travail le rapport aux comédiens ?

C’est la première fois que je vais travailler avec des acteurs français. Je m’en réjouis. Nous avons déjà travaillé une semaine, nous continuons en septembre. J’adore circuler de par le monde. Et j’essaie toujours, c’est essentiel pour moi, de créer un esprit de troupe – même quand je suis de passage, sur place un mois ou deux, j’essaie de recréer le même esprit que dans mon théâtre, à Amsterdam, où nos acteurs travaillent ensemble depuis des années. Je trouve ça formidable. Le meilleur théâtre se fait quand les gens se font confiance. Cette atmosphère de confiance est ce que j’essaie d’établir entre les acteurs. C’est l’essentiel de mon métier. Quand vous avez fait ça, 50% du travail est déjà fait.