Claudio Magris, écrivain-voyageur de l’intime

Tout à la fois professeur, traducteur, conférencier, l’italien Claudio Magris est aussi cet écrivain voyageur, européen convaincu, naviguant de ville en ville dans une Mitteleuropa idéale, à l’image de son roman Danube, paru en 1986, dans lequel il décrit cette Europe « du milieu », sorte de journal sentimental écrit – toujours à la table d’un café – entre Vienne, Bratislava, Budapest et Belgrade.

 « Je ne peux pas travailler chez moi, je n’arrive pas à me concentrer. Au café, je suis seul, mais en compagnie. Je vis une sorte d’anonymat tout en étant entouré par les autres. Et cela me fait du bien car cela me permet de garder contact avec la réalité ».

Claudio Magris était en 2013 l’invité du magazine de la chaîne Arte : « L’Europe des écrivains » (vidéo), et s’exprimait sur l’histoire de sa ville natale, Trieste, son pays, toujours « de l’autre côté ».
Qui se souvient que Trieste, cette cité au carrefour des cultures, entre Méditerranée, pays slaves et Empire Austro-Hongrois, est sortie de la Deuxième Guerre mondiale seulement en 1954, déchirée entre la Yougoslavie et l’Italie et administrée jusqu’à cette date par un gouvernement provisoire anglo-américain ?
Alors, le rideau de fer était juste là, au bout du chemin, tel une frontière infranchissable. Au-delà s’étendait un territoire inconnu, obscur, l’étranger absolu et si proche, l’empire de Staline, mais qui pourtant avait fait partie de l’Italie avant la guerre, avant la naissance de Claudio Magris en 1939.
Ce territoire de l’inconnu est au cœur de l’œuvre de Claudio Magris, qui conçoit la littérature comme un voyage du connu à l’inconnu, mais aussi de l’étranger au curieusement familier, souvent.

Voyager c’est « aller loin pour mieux revenir, arpenter le temps pour savoir savourer l’instant, perdre ses certitudes pour découvrir d’autres possibles, trouver peut-être, dans les drames et les ferments du passé, de quoi lutter contre « l’inconsistance diffuse » de la vie en Occident aujourd’hui. »

Microcosme, paru en 1998, paraît au contraire un livre de l’intime, de l’éphémère, du regard sur les éléments comme un paysage intemporel.

« J’observe des « univers minimes », cet humble événement que sont, par exemple, les feuilles qui tombent. C’est parce que je suis assis dans un jardin public à observer un bout du monde que le monde se donne à moi, à travers ces sujets oubliés. Là, les plantes « contiennent » les forêts, et les fontaines les grands cours d’eau… Je me souviens du poète vénitien Biagio Marin et du pêcheur Marco Radossich, des épis de la foire de Malnisio et des plats d’hiver à Anterselva. »

Ou comment voir le monde dans une flaque d’eau, et nous donner à entendre la voix de l’univers.

Grande salle
LIV(r)E ; un auteur, une œuvre
Claudio Magris
Rencontre avec l'auteur animée par Sylvain Bourmeau.
Textes lus par Audrey Bonnet.
lundi 18 avril / 20h