Hervé Guibert : être son propre sujet

Hervé Guibert est un écrivain, photographe et journaliste français né à Saint-Cloud en 1955.

Rêvant d’abord d’être cinéaste, il se destine finalement à la photographie et à la littérature. Il s’essaiera également un temps au métier de comédien, grâce auquel il rencontrera notamment Patrice Chéreau.

À 21 ans, il intègre la rédaction du Monde, en tant que critique à la rubrique photographie. La même année, il signe son premier roman autobiographique La Mort propagande.

Hervé Guibert n’aura de cesse d’évoquer sa vie intime à travers ses œuvres. Il est l’un des pionniers du mouvement que l’on appelle « auto-fiction ». Ce genre littéraire, né à la fin des années 70, d’un néologisme de Serge Doubrovsky, associe deux types de narrations pourtant opposées : l’autobiographie (où l’auteur est aussi le narrateur et le personnage principal), et la fiction.

Le SIDA, dont Hervé Guivert se sait atteint dès 1988, tient une place centrale dans ses dernières œuvres. Jusqu’alors, il avait exploré plusieurs formes d’écriture de soi, du faux journal avec Voyage avec deux enfants (1982) au roman autobiographique avec L’Incognito (1989). Dans ce dernier, le narrateur, Hector Lenoir – double de l’auteur – faisait l’aveu déguisé de sa contamination par le VIH.

Avec À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), où il révèle notamment sa séropositivité, Hervé Guibert pousse encore plus la loin la volonté d’aller au bout d’un dévoilement de soi.

« Ce livre n’est pas un testament, mais c’est un livre qui donne des clés pour comprendre ce qu’il y avait dans tous les autres livres et que parfois je ne comprenais pas moi-même. Le sida m’a permis de radicaliser un peu plus encore certains systèmes de narration, de rapport à la vérité, de mise en jeu de moi-même au-delà même de ce que je pensais possible. Je parle de la vérité dans ce qu’elle peut avoir de déformé par le travail de l’écriture. C’est pour cela que je tiens au mot roman. Mes modèles existent, mais ce sont des personnages. Je tiens à la vérité dans la mesure où elle permet de greffer des particules de fiction comme des collages de pellicule, avec l’idée que ce soit le plus transparent possible. Mais il y a aussi des grands ressorts de mensonge dans ce livre. »1

Dans ce livre, Hervé Guibert ajoute au pacte autobiographique un «contrat de transparence »2. La mention de roman, traduit quand à elle du caractère fictif de ce qui est donné à lire, même si Hervé Guibert déclara à plusieurs reprises et notamment lors d’un entretien avec Bernard Pivot dans l’émission Apostrophes que «tout est vrai dans ce livre, rien ne pouvait être faux dans ce livre-là ».

Apostrophes : Hervé Guibert « A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie » | Archive INA -Vidéo

Il filmera les derniers mois de vie dans La Pudeur ou l’Impudeur, chronique vidéo de sa maladie diffusée de manière posthume à la télévision en 1992.

La Pudeur ou l’Impudeur – Extrait

Hervé Guibert meurt à Clamart en 1991 à l’âge de 36 ans.

Il est l’une des six personnalités choisie par Christophe Honoré, dans sa pièce Les Idoles, qui rend hommage à ces artistes morts du sida.

Notes :

1  Hervé Guibert, à propos de l’Ami qui ne m’a pas sauvé la vie in « La vie sida », entretien avec Antoine de Gaudemar, Libération, 1er mars 1990.

2 Voir Arnaud Genon «  Ce que dit l’autofiction : les écrivains et leurs fractures », publié sur www.raison-publique.fr