L’Avare, un classique sur la scène de l’Odéon

Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin… (Il se prend lui-même le bras).
L’Avare, acte IV, scène 7

Harpagon joué par Grandmesnil à la Comédie-Française, 1790. Bnf ASP-4-ICO-COS-1

Harpagon joué par Grandmesnil à la Comédie-Française, 1790. Bnf ASP-4-ICO-COS-1

Depuis 1680, date de la formation de la Comédie-Française, L’Avare est à son répertoire. La pièce avait été créée par la troupe de Molière fin 1668, et n’avait alors rencontré qu’un succès mitigé, le public trouvant bien longue une pièce en cinq actes et en prose, quand l’habitude était aux vers rimés.
Lorsque la nouvelle salle de la Comédie-Française est inaugurée, en avril 1782, la pièce fait ses beaux jours, en particulier lorsque l’acteur Jean-Baptiste Fauchard de Grandmesnil devient en 1790 un incomparable Harpagon, avec sa haute taille, sa maigreur et son sens des mimiques.

Mais quand en 1792 la troupe se scinde pour des raisons politiques, les comédiens qui ont pris le parti de la Révolution partent occuper le Théâtre de la République, rive droite, quittant leur salle de la rive gauche. Celle-ci deviendra quelques années plus tard « Le Théâtre de l’Odéon ».
Grandmesnil est du voyage, et Molière installe « sa troupe » avec les républicains.

On pourrait croire que L’Avare ne sera alors plus joué à l’Odéon, qui n’est plus « La maison de Molière ».
Dans les faits, L’Avare ne cessera jamais d’être joué à l’Odéon, bien au contraire. En particulier à la fin du XIXe siècle-début XXe, quand les directions successives du théâtre s’attachent à offrir à un public peu fortuné des « matinées classiques » à bas prix, présentant les chefs-d’œuvre du répertoire français à un public d’élèves des écoles, d’étudiants, de retraités, de femmes au foyer. Dès des années 1880, ces séances sont même souvent précédées de conférences éducatives, afin de permettre à ce public peu lettré de goûter au mieux le spectacle.

Roger Planchon dans L'Avare

Roger Planchon dans L’Avare

Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que L’Avare quitte le répertoire de l’Odéon, comme à peu près tout le théâtre de Molière, d’ailleurs.

En 1973 la Comédie-Française enregistre une version radiophonique de la pièce à l’Odéon. Il faut attendre le printemps 2001 pour qu’un Avare soit à nouveau joué à l’Odéon, non pas une création maison mais un accueil du TNP de Villeurbanne, avec un Harpagon joué par son metteur en scène lui-même, le grand Roger Planchon.

 

 

L'Avare
de Molière
mise en scène Ludovic Lagarde

2 - 30 juin - Odéon 6e