PARKING : Connaître les Hommes, observer les plantes, voir la ville autrement

Le 21 décembre dernier, à l’occasion de la restitution du projet, Thomas Ferrand présentait ses travaux botaniques sur Saint-Ouen. PARKING vous invite à (re)découvrir ces plantes sauvages et à voir la ville autrement !

Dans nos villes très urbanisées, la présence de plantes sauvages semble improbable. Elles sont pourtant partout. Dans les fissures des trottoirs, sur les murets, entre deux tuiles d’une toiture mal entretenue, sous les rails d’un métro à ciel ouvert, au pied d’un panneau de signalisation : elles nous paraissent – quand on les remarques – comme des intrus. Elles sont incongrues. De mauvaises herbes qu’il faudrait éliminer. Faire propre, nettoyer : l’obsession d’Homo sapiens, version néolithique. Comment font-elles, ces plantes indésirables, au milieu du bitume, dans un environnement pollué, malgré l’acharnement de l’Homme, pour vivre et prospérer dans ce qui semble être l’antithèse de la Nature ? C’est oublier qu’elles sont la Nature même. Et que la Nature dans un mouvement infini reprend toujours ses droits, où que ce soit. Le droit de la vie. Cette vie qui nous survivra.

Ces plantes sont pourtant comme un étrange miroir de nous-même. Elles suivent les hommes et les accompagnent. Elles migrent, s’installent, prospèrent et modifient l’environnement. Elles expriment ce « vouloir vivre » qui caractérise tout les êtres vivants. Une mauvaise herbe, ça n’existe pas. Une mauvaise herbe, c’est une plante dont on ignore les qualités, sinon la beauté, et dont les mystères nous dérangent probablement. Car pourquoi sinon les arracher ? Nous regarderions autrement ces plantes dites invasives si nous savions qu’elles soignent et nous nourrissent. Qu’elles sont la base de notre alimentation, de notre fonctionnement, de notre survie même.

Dans nos villes modernes, très urbanisées, s’installent des communautés de personnes venues du monde entier. Portugais, syrien, marocain, algérien, polonais, chinois, sud américains… Au hasard des migrations économiques, climatiques, politiques, ces hommes et ces femmes apportent des cultures qu’ils oublient parfois, qu’ils modifient en s’adaptant, qu’ils transmettent de temps en temps. Ils voyagent et apportent des enrichissements incommensurables. Parfois, il arrive qu’on les traitent comme ces herbes que l’on juge mauvaises ou invasives. Surtout celles venues d’ailleurs. C’est regrettable. Il n’y a pratiquement rien dans l’assiette d’un français contemporain qui provienne de notre territoire d’origine. Les tomates ? Elles sont Sud Américaine. Les patates ? Idem. Le café ? Il est Africain. Le chocolat ? Ce sont les Aztèques et les Mayas qui le préparaient avec une plante locale. Pourtant, qui se passerait aujourd’hui de ces plantes? Notre rejet des hommes et des plantes est toujours très partiale. Contextuel. Culturel. Un Nord Américain affichant une certaine richesse, s’installant en France, ne sera jamais un migrant ni même un réfugié. Notre point de vu sur les choses est influencé. Il en est exactement de même pour ces plantes sauvages qui nous entourent quotidiennement et que l’on méprise ou méconnaît. Il est étonnant par exemple d’observer le cas de la bardane. Cette plante est considérée comme une mauvaise herbe chez nous, alors qu’elle est très estimée et très consommée au Japon.

Les voyages que font les Hommes et les plantes sont fascinants. Les plantes originaires de notre territoire, négligées par des effets de modes, ne sont pas moins intéressantes. Qui sait que l’ortie, quand elle est bien cuisinée, est un légume des plus savoureux mais aussi l’un des plus riches en nutriments et en vitamines ? Que certains chénopodes très abondants, que tout bon jardinier arrache pour planter ses épinards, sont meilleurs que ces derniers (pourtant de la même famille !) ? Que ses graines sont tout aussi nourrissantes que le quinoa ? Que la reine-des-près, que l’on trouve au grand parc de Saint-Ouen, est un véritable aspirine végétal dont l’odeur d’amande amère est particulièrement envoûtante ? Qu’une décoction de racine de pissenlit soigne le foie et donne un goût de caramel ? Sans compter la tanaisie, l’achillé millefeuilles, le plantain et milles autres trésors de notre flore. On pourrait parler à l’infinie du rapport des hommes et des plantes, des traditions oubliés, des incroyables richesses que chacun apporte. Il suffit d’observer, d’être curieux. Saint-Ouen regorge de richesses malmenées.

Propos de Thomas Ferrand

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