Adolescence et territoire(s) 2018 – les promesses d’une belle odyssée

De Pierre Corneille à Orelsan en passant par Jacques Dutronc, poètes, dramaturges et chanteurs de tous les siècles s’invitent au Théâtre de Gennevilliers avec nos 19 adolescents d’A&T2018.
La 6ème édition d’Adolescence et Territoire(s) est lancée, et ça démarre fort ! Portée par la metteure en scène Clémentine Baert, la création théâtrale de cette édition résultera d’un montage de textes classiques, contemporains, mais encore personnels, autour de la question de l’engagement et de l’héroïsme.

Après un recrutement de deux jours consécutifs au Théâtre de Gennevilliers, cette troupe naissante de 19 adolescents issus de Paris 17ème, St-Ouen, Clichy-La-Garenne, et Gennevilliers se sont donnés rendez-vous à la mi-décembre, à l’Odéon 6ème, pour une visite du lieu et un premier atelier de découverte introduisant leur parcours sur l’année.

Première rencontre du groupe, au Salon Roger Blin du Théâtre de l'Odéon, 6ème

Première rencontre du groupe, au Salon Roger Blin du Théâtre de l’Odéon, 6ème

L’aventure se décompose ainsi en trois stages de 5 jours, pendant les vacances scolaires, puis en ateliers répartis sur les week-ends de mai et juin avant de céder la place aux dernières soirées de répétitions et enfin… aux 5 représentations !
À l’issue de chaque stage, certains jeunes s’empareront de ce blog pour vous révéler quelques éléments de leur travail.

Du 2 au 6 janvier de 9h30 à 13h30 au Théâtre de Gennevilliers, entre exercices d’improvisation, d’appréhension et utilisation de l’espace de jeu, lectures et discussions, chacun a pu apporter un écrit, incitant pour eux à la réflexion, et reflétant un engagement certain.
Extraits de romans, poèmes, pièces de théâtre, chansons… des poètes du XVIIème siècle, aux rappeurs d’aujourd’hui, de la langue française, à la langue russe, le bilan de ce premier stage nous témoigne d’une constante diversité dans la nature des engagements de tous.

Léah, Khalilou, Bénédicte, et Florent ont décidé de vous dévoiler les extraits des textes qu’ils ont choisi, en vous éclairant sur les raisons de leur choix.

LEAH

« Vive la révolution
Reprend tes esprits, je croyais t’avoir avalé en entier
Dans cette ville grisâtre
L’air est devenu froid
Ils infectent mon cerveau empoisonné et mon dos
Souviens-toi, la vérité est maintenant corrompue
Et à la couche externe de sujets brisés
Libre, Amour, Réel, Malade »
Extrait de Wake me up, traduit du coréen, du groupe B.A.P

Si ce groupe sud-coréen vous est inconnu, Léah vous révèle ce que cette chanson lui inspire :

« Si j’ai choisi cette chanson, c’est en partie car l’histoire qu’elle raconte n’est pas précise, elle a quelque chose d’abstrait qui fait qu’elle reste plutôt libre aux interprétations. Elle parle bien évidemment de révolte, mais pour moi cette révolte peut aussi être une révolution interne, le refus d’une partie de soi contre laquelle on lutte. Je pense également qu’elle présente assez bien le ras-le bol d’une société d’oppression et une envie très profonde d’engagement, c’est pour ça que j’ai très vite pensé à elle pour le projet « Adolescence et territoires » ! Aussi, le fait de présenter une chanson étrangère me tenait à cœur car je pense que c’est une bonne chose de voir d’autres facettes du monde ! ».

KHALILOU

« Je suis pour le communisme
Je suis pour le socialisme
Et pour le capitalisme
Parce que je suis opportuniste
Ils y en a qui contestent, qui revendiquent et qui protestent.
Moi je ne fais qu’un seul geste, je retourne ma veste,
Je retourne ma veste toujours du bon côté…»
Extrait de L’opportuniste de Jacques Dutronc

Ces quelques mots devraient faire écho pour beaucoup d’entre vous… et ils résonnent assurément dans l’esprit de Khalilou :

Pour lui, L’Opportuniste de Jacques Dutronc, dont il semble préférer la reprise du groupe Tryo, évoque « une autre forme d’engagement : « L’engagement opportuniste » », nous confie-t-il. « L’interprète s’engage mais de manière transitoire, comme vous l’avez entendu dans les paroles « je retourne ma veste ». J’aime bien la chanson car elle représente le courage. Il assume d’être un opportuniste. Ce n’est peut-être pas bien ce qu’il fait, on peut le considérer comme pas sincère. Mais il s’en fiche de ce que les gens pensent. Il est opportuniste, un point c’est tout. »

BÉNÉDICTE

«  Le sort qui de l’honneur nous ouvre la barrière
Offre à notre constance une illustre matière ;
Il épuise sa force à former un malheur
Pour mieux se mesurer avec notre valeur ;
Et comme il voit en nous des âmes peu communes,
Hors de l’ordre commun il nous fait des fortunes.
Combattre un ennemi pour le salut de tous,
Et contre un inconnu s’exposer seul aux coups,
D’une simple vertu c’est l’effet ordinaire,
Mille déjà l’ont fait, mille pourraient le faire ;
Mourir pour le pays est un si digne sort,
Qu’on briguerait en foule une si belle mort. »
Extrait de Horace de Corneille, Acte II Scène 3

Bénédicte, quant à elle, retrouve la figure du héros dans le célèbre texte de Corneille, Horace. C’est plus particulièrement à la troisième scène de l’Acte II de la pièce, (dont nous vous donnons un court extrait seulement, mais vous invitons à en (re)entreprendre la lecture), dévoilant un dialogue d’opposition entre les personnages de Curiace et Horace, qu’elle reconnaît le questionnement de l’héroïsme cornélien :

« Horace est marié à Sabine, et Curiace, frère de Sabine, est fiancé à Camille, sœur d’Horace. Les deux familles, l’une romaine et l’autre albaise, sont donc unies par des liens très forts. Cependant, une guerre éclate entre les villes de Rome et Albe. Horace, romain, et Curiace, albais, viennent d’apprendre qu’ils ont été choisis par leurs villes respectives pour s’affronter en combat singulier.  Pour moi, les deux hommes représentent une grande figure d’héroïsme. Puisque il s’agit ici d’un dilemme, un choix très difficile que Horace et Curiace doivent prendre. Soit ils se battent entre eux, et l’un d’eux meurt, soit c’est la guerre. Ils ont à choisir entre leur intérêt personnel et l’intérêt commun. D’après moi c’est un choix auquel seules les personnes qui ont des âmes peu communes, c’est-à-dire les héros, doivent se confronter. Ça n’arrive pas à tout le monde d’avoir à choisir entre leur famille et  » le pays », si c’était moi, le choix allait toute suite se pencher du côté de ma famille. »

FLORENT

« Si le monsieur dort dehors, c’est qu’il aime le bruit des voitures
S’il s’amuse à faire le mort, c’est qu’il joue avec les statues
Et si, un jour, il a disparu, c’est qu’il est devenu millionnaire
C’est qu’il est sûrement sur une île avec un palmier dans sa bière
Tout va bien, tout va bien
Petit, tout va bien, tout va bien
Tout va bien, petit, tout va bien
Tout va bien, tout va bien »
Extrait de Tout va bien, d’Orelsan

Enfin, Florent nous ramène en 2017, en choisissant d’évoquer un passage d’une chanson d’Orelsan, « Tout va bien » :

« Tout simplement déjà j’aime bien cette chanson et surtout car je trouve très intéressante la façon dont c’est écrit, car c’est écrit pour que tout le monde comprenne même les enfants, car on a l’impression qu’un enfant lui a posé des questions et qu’il lui a répondu. En même temps Orelsan dénonce plusieurs choses comme les sdf qui dorment dehors, les femmes battues, la guerre tout en disant que « tout va bien » (de façon ironique), comme si tout était normal dans le meilleur des mondes alors que non. La rythmique de la chanson est très simple comme les paroles qui dénonce rapidement et directement c’est inégalitaire, c’est idiotie. J’ai trouvé que cette chanson allait bien avec le thème (l’héroïsme et l’engagement), l’héroïsme car il dénonce plein de choses qui ne devraient pas exister (comme la guerre) et l’engagement car il s’engage indirectement à faire changer les choses en les dénonçant. »

Le prochain article sur le programme vous révélera quatre autres des jeunes, qui vous rendront compte de leur expérience après la seconde semaine de stage du 20 au 24 février aux Ateliers Berthier ! Le premier épisode du web-documentaire consacré au projet arrive très vite, alors en attendant, restez connectés !