Angélica Liddell, secrète, nocturne et ténébreuse

C’est au Festival d’Avignon 2010 qu’Angélica Lidell se fait connaître du public français avec deux œuvres : El año de Ricardo et La Casa de la fuerza, présenté à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en mars 2012, un an avant Todo el cielo sobre la tierra (El Síndrome de Wendy).
De quoi est fait l’imaginaire d’Angélica Liddell ? Elle exprimait alors ainsi ce qui la nourrissait :

Elle est entrée dernièrement dans une série de pièces intitulée «Le cycle de la résurrection», dont font partie You Are My Destiny (Lo stupro di Lucrezia) présenté à l’Odéon en décembre 2014, Tandy et Primera carta de San Pablo a los Corintios, que l’Odéon reçoit cet automne.

Avec le Cycle des résurrections elle interroge sa relation intime au sacré, «seule transgression possible car il va à l’encontre de tout calcul de la raison» :

Je me nourris d’une littérature et d’un art où Dieu n’a pas encore été tué, je m’intéresse au conflit avec Dieu, à la relation avec Dieu, au territoire du sacré, quand l’homme entretenait encore une relation complexe avec son esprit et que le concept de tragédie et l’énigme étaient possibles.
En gros, à partir du XIXème siècle on assassine Dieu et débute une époque où l’on tente d’expliquer l’homme uniquement d’un point de vue matérialiste au travers d’une théorie économique, le marxisme, qui réduit les notions de bien et de mal, de juste et d’injuste en rapport avec le capital. Conséquence : ce qui relève du spirituel – bien plus trouble qu’une théorie économique – est anéanti.
Une fois qu’on a tué le concept de Dieu, et donc l’esprit, tout ce que l’on peut raconter doit être moralement acceptable, mais la religion et l’amour sont immoraux ; la création artistique est le lieu où il est possible de se dresser contre la loi, de réaliser tout ce qui est interdit dans la vie, d’où le caractère subversif de la poésie, qui te permet de tuer des enfants de l’homme que tu aimes et d’être Médée.
C’est ce qui est intéressant dans la création : l’enfer, le mal, le mariage des contraires, la liberté de pouvoir à tout moment enfreindre la loi. C’est ce qui nous fait avancer de façon irréversible vers la mort, vers le sentiment tragique de l’existence.
(Propos recueillis et traduits par Christilla Vasserot, mai 2015)

 

  • Découvrez la SCÈNE IMAGINAIRE D’ANGÉLICA LIDDELL le vendredi 6 novembre à 20h au Théâtre de l’Odéon.
    En coproduction avec France Culture.
    Animé par Arnaud Laporte, producteur de l’émission La Dispute.