Le cinéma va à Dostoïevski

Avec Shakespeare et Tchekhov, Dostoïevski est un des romanciers les plus adaptés au cinéma. En un peu plus d’un siècle, quelque cent cinquante-cinq longs métrages ont ainsi été réalisés. Ses nouvelles et romans sont d’abord adaptés en Russie (premier film : L’idiot, réalisé en 1910 par Piotr Tchardynine). Les adaptations russes resteront très nombreuses pendant tout le XXe siècle et ne sont pas toujours parvenues jusqu’à nous.
Parmi ces adaptations, plus ou moins linéaires et fidèles, on peut retenir, classées par œuvres de l’auteur :

 

Les nuits blanches

1957 : Luchino Visconti, Le notti bianche.
Avec : Maria Schell, Marcello Mastroianni, Jean Marais…
Traînant sur le chemin du retour à son domicile pour en éviter la solitude, Mario découvre Nathalie, une jeune fille en pleurs, appuyée à un parapet. Il engage la conversation et la convainc d’un rendez-vous pour le lendemain au même endroit. Nathalie, le jour suivant est là comme convenu, mais elle confie à Mario qu’elle n’est pas revenue pour lui mais pour un jeune homme, ancien locataire de sa grand-mère, parti il y a un an. Il avait promis de revenir à cet endroit… Avec Visconti, nous sommes face à une adaptation linéaire, mais Visconti positive le roman : l’utopie est utile et change le monde. Le rêve de Natalia devient réalité.
Lyon d’argent au festival de Venise

1971 : Robert Bresson, sous le titre Quatre nuits d’un rêveur.
Avec : Isabelle Weingarten, Guillaume des Forêts, Jean-Marie Monnoyer, Jérôme Massart, Patrick Jouanne.

2008 : James Gray, sous le titre Two lovers.
Avec : Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw.
« Il m’a semblé clair que Dostoïevski parlait de personnes qui, en 2007, seraient accros aux antidépresseurs », affirme le réalisateur américain. L’idéaliste russe s’est transformé en un jeune juif américain bipolaire. Si Leonard demeure un solitaire, un « personnage masculin marginal, dostoïvskien », le cadre familiale apparaît comme un élément décisif du film.

2009 : Sanjay Leela Bhansali, sous le titre Saawariya, comédie musicale.
Artiste vagabond et doux idéaliste, Raj arrive dans une ville rêvée, entourée de montagnes, drapée de brume et enveloppée de magie. Lors d’une nuit étoilée, il remarque une jeune femme voilée de noir qui se tient seule sur un pont. C’est Sakina, mélancolique et mystérieuse, dont il tombe amoureux. Tentant de la séduire, le jeune homme découvre peu à peu le secret dissimulé dans le cœur de Sakina. Tous deux s’embarquent alors pour un voyage de romance, de désir et de passion…

Crime et Châtiment

1956 : Georges Lampin.
Avec : Jean Gabin, Marina Vlady, Bernard Blier, Robert Hossein, Gaby Morlay, Gérard Blain, Julien Carette, Lino Ventura…
Faute de ressources, René Brunel a arrêté ses études. Il vit à Lyon et écrit difficilement des romans policiers en collaboration avec son ami Jean Fargeot. Afin de devenir riche, il pense qu’il devrait commettre un véritable meurtre. Sa mère, veuve, l’aide avec sa pauvre pension et Nicole, sa sœur, envisage un mariage de raison, par force, avec Monestier, un riche antiquaire.

1959 : Robert Bresson, sous le titre Pickpocket.
Avec : Martin La Salle, Marika Green, Jean Pélégri, Dolly Scal, Pierre Leymarie, Kassagi, Pierre Étaix.
Robert Bresson adapte et transpose très librement le roman. Il s’agit d’un film sur l’orgueil et la rédemption, la pesanteur et la grâce. Michel, jeune homme solitaire, fasciné par le vol, qu’il élève au niveau d’un art, est persuadé que certains êtres d’élite auraient le droit d’échapper aux lois…
« Ce film n’est pas du style policier. L’auteur s’efforce d’exprimer, par des images et des sons, le cauchemar d’un jeune homme poussé par sa faiblesse dans un aventure de vol à la tire pour laquelle il n’était pas fait. Seulement cette aventure, par des chemins étranges, réunira deux âmes qui, sans elle, ne se seraient peut-être jamais connues. »

1983, Finlande, Réalisé par Aki Kaurismäki.
Rahikainen, ouvrier dans les abattoirs, assassine un homme d’affaires crapuleux. Mais Eva, employée dans une boulangerie, le persuade de se dénoncer pour racheter sa faute…

Le joueur

1949 : Robert Siodmak, sous le titre Passion fatale (Great Sinner).
Avec : Gregory Peck, Ava Gardner, Melvyn Douglas, Walter Huston, Ethel Barrymore, Frank Morgan, Agnès Moorehead.
Pauline Ostrovski est passionnée par le jeu depuis bien des années. Elle fait la connaissance d’Armand de Glasse, un gérant de casino et l’accepte de l’épouser en pensant ainsi pouvoir assouvir sa passion malgré l’amour qu’elle éprouve pour le romancier Fédor Dostoïevski. Celui-ci dans l’espoir de la tirer de ce mauvais pas, risque sa fortune à la roulette…

1958 : Claude Autant-Lara.
Avec : Gérard Philipe, Liselotte Pulver, Bernard Blier, Nadine Alari, Françoise Rosay, Jean Danet, Suzanne Dantès.

L’Idiot

1951 : Akira Kurosawa.
Avec : Masayuki Mori, Toshiro Mifune, Setsuko Hara, Takashi Shimura, Chieko Higashiyama, Chiyoko Fumiya.
Transposé dans le Japon hivernal de l’immédiat après-guerre. Après sa démobilisation, Kinji Kameda retourne dans l’île septentrionale de Hokkaido, frappé d’une sorte « d’idiotie » qui l’a rendu excessivement naïf et altruiste.

1985 : Andrzej Zulawki, sous le titre L’amour braque.
Avec : Francis Huster, Sophie Marceau, Tchéky Karyo, Christiane Jean, Michel Albertini, Jean-Marc Bory, Jean-François Soubielle.
Transposition contemporaine, avec un vague prince hongrois, qui semble venir d’un lointain asile psychiatrique.

2008 : Pierre Leon.
Avec : Jeanne Balibar, Laurent Lacotte, Sylvie Testud.
Léon adapte les quatre derniers chapitres de la première des quatre parties du roman de Dostoievski. Un bref carton indique ainsi qu’il s’agit de l’épisode IV d’un film conçu, selon les dires du réalisateur, en quatorze parties. Filmé en durée réelle. La caméra de Pierre Léon capte la succession des regards avec la même virtuosité que Dostoïevski sait rendre anxieux le lecteur dans l’attente de la réaction de chaque personnage.

L’éternel mari

1990 : Jacques Doillon, sous le titre La vengeance d’une femme.
Avec : Isabelle Huppert, Béatrice Dalle, Jean-Louis Murat, Laurence Côte…
C’est avec beaucoup de réserves que Suzy voit débarquer dans sa vie Cécile, la femme d’André, l’homme avec lequel elle a eu une aventure trois ans auparavant. Suzy ne voit pas très bien où Cécile veut en venir, ni comment elle compte s’y prendre pour se venger, si telle est bien son intention…

Les possédés

1988 : Andrzej Wajda.
Avec : Isabelle Huppert, Jutta Lampe, Philippine Leroy-Beaulieu, Bernard Blier, Jean-Philippe Écoffey, Laurent Malet, Jerzy Radziwilowicz, Omar Sharif, Lambert Wilson.
Adaptation assez fidèle, linéaire, et en costumes d’époque.

La douce

1969 : Robert Bresson, sous le titre Une femme douce.
Avec : Dominique Sanda, Guy Frangin, Jeanne Lobre, Claude Ollier, Jacques Kébadian, Gilles Sandier, Dorothée Blank.
Une jeune femme vient de se suicider. Près de son corps, son mari s’interroge et revit leur passé : la jeune fille pauvre qu’il a épousé, les malentendus, le jour où elle a tenté de le tuer, le pardon et la réduction de la femme au statut d’épouse soumise. Puis le jour fatidique où elle décida de se supprimer…

Les frères Karamazov

1957 : Richard Brooks. Avec : Yul Brynner,

1969 : Marcel Bluwal. Téléfilm avec : Pierre Brasseur, Jose Maria Flotats, Bernard Fresson, François Marthouret, Maurice Garrel, Danièle Lebrun…

 

à lire :
« Dostoievski à l’écran »
Collectif dir. André Z. Labarrère et Michel Estève
CinémAction n°164, 5 octobre 2017

 

Les Démons
d’après Fédor Dostoïevski
mise en scène Sylvain Creuzevault

21 septembre - 21 octobre / Berthier 17e