Un Procès très politique

Proces [Le Procès] aurait dû initialement être créé au Teatr Polski de Wroclaw en novembre 2016, mais tout s’était brutalement arrêté à la suite de la nomination à la tête de ce Théâtre de Cezary Morawski, un comédien qui s’est illustré dans différentes séries télévisées mais qui n’avait aucune connaissance du théâtre et n’en a dirigé aucun.
Krystian Lupa avait alors décidé d’annuler le spectacle pour protester contre cette nomination qu’il qualifia « d’ubuesque » et s’en était ainsi expliqué :

« Avec le Teatr Polski de Wroclaw disparaît le dernier endroit où je peux et où je désire travailler. La collaboration, la relation créatrice avec le directeur du théâtre est pour moi une condition nécessaire. Il ne s’agit pas d’un lieu pour créer un nouveau spectacle mais plutôt d’une société artistique, qui vit dans un processus tourné vers le progrès. C’est justement ce phénomène inestimable qui a été détruit à Wroclaw, et qui sera peut-être perdu à jamais. C’est touchant que trois théâtres de Varsovie m’aient proposé de finir les répétitions du Procès de Kafka avec les acteurs du théâtre de Wroclaw. C’est un geste magnifique, seulement difficile logistiquement, ne serait-ce qu’à cause de l’avenir incertain des acteurs du Teatr Polski de Wroclaw. »
(L’Humanité, 5 septembre 2016, entretien réalisé par Marie-José Sirach, traduction Agnieszka Zgieb)

Avec l’aide et le soutien de plusieurs théâtres de Varsovie et de l’étranger, Krystian Lupa a finalement pu remettre son spectacle en chantier. Sa version du Procès présenté au Printemps des comédiens de Montpellier en juin 2018, et aujourd’hui à l’Odéon-Théâtre de l’Europe dans le cadre du Festival d’Automne, porte les stigmates de cette histoire.

« Face à une crise des valeurs européennes et à la menace qui pèse sur la liberté individuelle, nous voulons que cette performance, qui est une coproduction internationale, soit une voix commune sur l’avenir », déclarent les auteurs.
(programme du Nowy Teatr de Varsovie)

En Pologne le parti Droit et Justice (PiS) mené par Jaroslaw Kaczynski tient les rênes du pays. Les autorités polonaises s’attaquent à la culture mais aussi à la liberté de la presse et de la Justice. En face le parti Plateforme Civique (PO), de centre droit, semble avoir du mal à exister.

Manifestation, le 4 juillet 2018 à Varsovie en Pologne, contre les réformes judiciaires. Photo Robert Patryk

Manifestation, le 4 juillet 2018 à Varsovie en Pologne, contre les réformes judiciaires. Photo Robert Patryk

Mais les choses commencent à bouger. Une bonne partie de la société civile résiste à la politique menée, manifestant régulièrement dans la rue son opposition aux réformes autoritaires. Symbole de cette résistance, la présidente de la Cour Suprême, Malgorzata Gersdorf, refuse de quitter son poste suite à la réforme judiciaire qui devrait l’en chasser (réforme que l’Union Européenne considère par ailleurs contraire à un état de droit). Le magistrat nommé pour la remplacer refuse lui aussi de prendre ses fonctions.
En cet automne 2018, un nouveau parti politique est en train de naître, initié par Robert Biedron, le maire – homosexuel et athée revendiqué – de Slupsk, une ville du nord de la Pologne. Un parti pour l’instant sans nom, qui veut défendre à la fois les droits des citoyens et leur niveau de vie, leur dignité, un parti résolument démocratique et européen. Il présentera une liste aux prochaines élections européennes.
Une lueur d’espoir se lèverait à l’est ?

Proces
[Le Procès]
d'après Franz Kafka
mise en scène Krystian Lupa

en polonais, surtitré en français
20 - 30 septembre / Odeon 6e

Catégories : Le foyer : partager les idées

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