Frederick Wiseman en trois films

Ex Libris : The New York Public Library, 2017

Avec EX LIBRIS, Frederick Wiseman fait bien plus que décrire cette extraordinaire lieu voué à l’accueil des lecteurs à Manhattan qu’est la Bibliothèque publique de New York. Séquence après séquence, chacune prenant le temps de rendre sensible une situation, le film déploie un gigantesque réseau d’action publique dont les quelque 80 implantations relevant de la bibliothèque dans tous les quartiers de New York sont les instruments. Le cinéaste filme un monde de savoir et de partage, qui se veut ouvert – accessible à tous, aux homeless qui viennent s’y réchauffer comme aux chercheurs –, qui organise des concerts, des conférences avec des écrivains invités, des ateliers pour les enfants et les aveugles, des expositions, des lectures, etc. C’est moins l’objet livre qui intéresse Wiseman que l’humanité cachée derrière, celle du savoir, de la culture de la littérature. Aussi, dans les réunions du staff notamment, est-il beaucoup question des nouveaux enjeux liés à l’e-book, à la diffusion du savoir par Internet, outil faisant partie intégrante de la mission entreprise par The New York Public Librairy. Tant sur la diversité entraperçue des visages et des âges (la fourchette dépasse celle de 7 à 77 ans !), des couleurs de peau, des discours, des services délivrés, Ex Libris redonne pleinement confiance dans les valeurs d’une Amérique de la solidarité, de l’éducation et du partage.
d’après Jacques Morice, Télérama, extrait

 

In Jackson Heights, 2015

Dans ce film documentaire, Frederick Wiseman est allé poser sa caméra à Jackson Heights, un quartier du Queens, à New York. On comprend très rapidement de quoi il retourne. Ce quartier populaire est depuis longtemps un lieu où les communautés les plus rejetées, qu’elles soient ethniques ou sexuelles (associations d’homosexuels, communautés juive, sud-américaine, transgenre, musulmane… ) se sont retrouvées, unies, et même apparemment aimées.
Seulement, comme dans toutes les grandes villes du monde, quand Wiseman arrive, ce quartier est en train de se “gentrifier” : les prix montent, les gens partent, les communautés et les amitiés se défont. Constat universel qui pourrait être triste. Mais ce que montre Wiseman, au-delà de la fin d’une époque et du début d’une autre, dans une petite partie du monde, c’est la beauté d’une démocratie vivante. Malgré tout. La démocratie, à Jackson Heights, se vit dans des réunions de pâtés de maison, d’associations, de paroisses. Des fêtes. Des lieux où les gens viennent parler les uns après les autres, s’écouter sans se couper la parole, sans se juger et sans peur. Ils sont portoricains, ils sont homosexuels, ils sont noirs ou blancs, jeunes ou vieux, parlent toutes les langues et pratiquent différentes religions, ou tout cela à la fois, ils représentent la police ou les transsexuels, mais ils se parlent et tentent d’arrondir les angles, de s’entendre (même si la plupart ne parlent que leur langue d’origine), de faire en sorte que les choses tiennent les unes avec les autres.
d’après Jean-Baptiste Morain , Les Inrocks, extrait

 

Law and order, 1969

Frederick Wiseman filme le travail quotidien de la police dans un quartier à majorité noire de Kansas City dans le Missouri. Le respect de la loi est au cœur des activités des forces de l’ordre mais le cinéaste filme aussi les aspects sociaux du travail des policiers. Il nous fait découvrir la routine d’un métier ingrat où, le plus souvent, les policiers sont confrontés à des situations sur lesquelles ils n’ont guère de prise, à des drames auxquels ils ne peuvent apporter de solution : alcoolisme, violences familiales, abandons d’enfants, accidents de la circulation, délinquance juvénile, agressions en tous genres, vols, etc. Les scènes montrant les brutalités succèdent aux séquences plus légères voire humoristiques. Le cinéaste cherche à montrer les différentes facettes de l’institution. Plus que de courir les criminels, les policiers conseillent, négocient et arbitrent pour des injustices civiles et des infractions mineures. Bien que la violence ne soit pas absente, entre autre avec une prostituée noire presque étranglée par un policier, le film évite de montrer la brutalité policière. Il suggère davantage que tout dérèglement des forces de l’ordre est un symptôme d’un dérèglement social qui l’engendre. Et derrière les pratiques des forces de l’ordre, ce documentaire montre une société en crise, rongée par le racisme, la pauvreté et la violence. La vie quotidienne d’un service de police de Kansas City, Missouri.

Extrait vidéo à consulter sur le site cinetrafic.fr

Law and Order, Frederick Wiseman, 1969

 

Frederick Wiseman par Frederick Wiseman
Une carte blanche au cours de laquelle le grand cinéaste américain évoquera sa façon de travailler, de filmer le quotidien, de monter ses documentaires.

Odéon 6e - Grande salle / 9 Octobre 2017 - 20h

Catégories : Le foyer : partager les idées

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