La Torche Rouge et l’étoile montante

Trois sœurs jouées et prononcées devant nous sans un mot : voilà la proposition originale et inédite qui nous est offerte par la troupe de la Torche Rouge (Красный факел), venue de Novossibirsk la sibérienne, et menée par le très jeune metteur en scène Timofeï Kouliabine.

Et ils nous viennent de loin, ces “acteurs muets” : Novossibirsk se trouve à 2800 km à l’est de Moscou, qui n’est déjà pas la porte à coté… Mais c’est la troisième plus grande ville de Russie, et la Torche Rouge son premier et plus ancien théâtre.
Le bâtiment qui abrite la troupe avait été construit en 1914, sous la Russie tsariste, pour abriter la chambre de commerce de la ville. En torche-rouge1918 il devient “La Maison de la Révolution”, accueillant les réunions des soviets ou des Gardes Rouges. Dès 1923 il se transforme en “Palais de la Culture”. À la fin des années 30, il est finalement réaménagé pour accueillir plus spécifiquement du théâtre. C’est dans ses années-là que la Compagnie de La Torche Rouge, troupe de théâtre itinérante née en pleine Révolution, en avril 1920, et conduite par le directeur Vladimir Constantinovich Tatishev, vient s’installer dans ses murs. Il devient alors le premier théâtre permanent de Novossibirsk.
Depuis ses débuts La Torche Rouge accueille volontiers les dernières expérimentations théâtrales, depuis celles de Meyerhold ou Stanislavski jusqu’à celles d’aujourd’hui, et ses spectacles sont régulièrement nominés aux Masques d’Or, le Grand Prix Dramatique russe. En 2001, le directeur Alexandre Kouliabine crée le festival “Siberian Transit”, qui, en faisant tourner les spectacles de différentes scènes, ouvre un espace culturel sibérien inédit.

« Novossibirsk a un esprit de liberté : c’est une terre de colons, de physiciens et de grands scientifiques, c’est la terre des premiers mouvements punk… soutient Elena Makeenko, rédactrice en chef de siburbia.ru. Cet esprit, nombre d’entre nous sont nés avec, comme une sorte de super pouvoir caché. Et c’est bien la seule chose qui nous reste, aujourd’hui, à aimer et à défendre. »

Né en 1984, Timofeï Kouliabine est depuis 2015 le directeur artistique de La Torche Rouge, dont il était directeur associé depuis 2007, date de son diplôme de l’Académie du tim_kouliabineThéâtre d’Art. Il monte une dizaine de pièces de théâtre et deux opéras au cours de ces neuf saisons, dont Eugène Onéguine, d’après Pouchkine, accueilli à Moscou (Prix spécial 2014 du jury du Masque d’Or).
L’Opéra de Novossibirk a accueilli en décembre 2014 sa mise en scène de Tannhäuser de Wagner. Dans une version au goût du jour mais pas au goût de tous, Timofeï Kouliabine y donnait un rôle à Jésus Christ dans “La Grotte de Vénus”, un film érotique tourné par le chevalier Tannhäuser. Une représentation du Christ jugée blasphématoire par l’Église orthodoxe, qui porta plainte contre le metteur en scène et le directeur du théâtre. Le tribunal ayant rejeté la plainte, le ministère de la Culture annonça alors le limogeage du directeur de l’opéra, nouvelle qui suscita un grand émoi dans le milieu artistique russe.
Après le succès de sa mise en scène d’Onéguine et de #shakespearsonnets au Théâtre des Nations à Moscou, Timofeï Kouliabine a été invité par le Théâtre Bolshoï à créer l’opéra Don Pasquala en avril 2016. Sa mise en scène de Rigoletto de Verdi a été créée à l’opéra de Wuppertal (Allemagne) en avril 2017. Les Trois Sœurs ont obtenu le Prix spécial du jury du Masque d’Or 2017.
Il est désormais considéré internationalement comme l’étoile montante du théâtre russe.

три сестры
[Les Trois Sœurs]
d'Anton Tchekhov
mise en scène Timofeï Kouliabine

Berthier 17e / 5 octobre – 15 octobre 2017