Nora, Phèdre et puis Marie : Dominique Blanc à l’Odéon

Dominique Blanc fait ses premiers pas à l’Odéon il y a 20 ans, en avril 1997, en interprétant Nora, dans Une maison de poupée d’Henrik Ibsen, dirigée par Deborah Warner.

Nora, celle que son mari Torvald considère comme un simple objet de décoration, sans âme ni vouloir, Nora qui voudrait être traitée en égale, qui voudrait un rôle dans le foyer, et finira par le quitter : «  Je crois qu’avant tout je suis un être humain, au même titre que toi, Helmer… ou au moins je dois essayer de le devenir. […] Mais je n’ai plus le moyen de songer à ce que disent les hommes et à ce qu’on imprime dans les livres. Il faut que je me fasse moi-même des idées là-dessus, et que j’essaye de me rendre compte de tout. »

« Dominique Blanc rend avec une délicatesse impressionnante les facettes du personnage, cette complexité fascinante faite d’enjouements et de fièvre, de fragilité et de force d’âme. Elle en marque avec virtuosité tous les états, successifs ou simultanés l’abandon, la fêlure, l’innocence, l’angoisse. » Philippe Tesson, Figaro magazine, 19 avril 1997

Dominique Blanc obtiendra le Molière de la meilleure comédienne pour ce rôle.

Son premier rôle, après le Conservatoire, c’est Patrice Chéreau qui le lui avait donné, pour son Peer Gynt d’Henrik Ibsen, au TNP Villeurbanne. Avec lui elle jouera aussi dans Les Paravents de Jean Genet, à Nanterre-Amandiers. Puis, au cinéma, elle est Henriette de Nevers dans La Reine Margot (1993), aux côtés d’Isabelle Adjani. Puis Catherine dans Ceux qui m’aiment prendront le train (1998), rôle qui lui vaut un César du meilleur second rôle en 1999.
Lorsque Patrice Chéreau s’attaque à Racine et à Phèdre, il n’a rien monté au théâtre depuis plusieurs années. L’Odéon, qui inaugure ses Ateliers Berthier en janvier 2003, pendant les travaux de rénovation du Théâtre de l’Odéon, lui a proposé la salle, un rectangle brut et vierge, à moduler comme il l’entendra. Son décorateur, Richard Peduzzi, y plante la porte monumentale d’un palais de pierre, d’une telle évidence qu’on l’imagine avoir toujours été là. Dominique Blanc sera sa Phèdre, elle qui en avait rêvé depuis vingt ans.
Comme s’ils ne connaissaient rien au théâtre, n’avaient jamais rien joué ou monté, Patrice Chéreau et elle se plongent dans des essais sur le XVIIe siècle, son théâtre, regardent toutes les interprétations disponibles en vidéo, dissèquent les traités d’alexandrin, tentent de tout savoir sur la pièce, sur la mythologie… Le dialogue entre eux-deux est permanent, ils cherchent ensemble, se montrent des dessins, des poèmes…
Pourtant, pour le spectateur, dès le début de la représentation, « quoi qu’il nous reste de nos études, nous ne savons plus grand chose de Phèdre. Chaque scène balaie le souvenir et dispose à sa recréation. » (Jean-Louis Perrier, Le Monde, 20 janvier 2003).
Une nouvelle Phèdre est née.

« Ce qui séduit, c’est sa simplicité dans ces arrachements et dans ses vertiges. Elle est perdue et éperdue, coupable et mystérieusement innocente. […] La tragédie de Phèdre est de se savoir coupable, coupable malgré elle. À jamais condamnée. C’est une conscience malheureuse. Peut-être Dominique Blanc est-elle la seule actrice à avoir donné une vérité et un sens à cette culpabilité. » Pierre Marcabru, Le Figaro, 8 février 2003.

Retrouvez Dominique Blanc dans :

Le Testament de Marie
de Colm Tóibín
mise en scène Deborah Warner
du 5 mai au 3 juin 2017 / Odéon 6e