L’affiche du mois : Dans la solitude des champs de coton.

Huit ans après avoir créé Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, avec Isaach de Bankolé et Laurent Malet au Théâtre Nanterre-Amandiers, Patrice Chéreau remonte la pièce pour la 3e fois, cette fois avec Pascal Greggory dans le rôle du client, et lui-même dans celui du dealer. Une production de l’Odéon-Théâtre de l’Europe et du Festival d’Automne, présentée dans un entrepôt désaffecté : la Manufacture des Œillets à Ivry-sur-Seine. De mi-novembre 1995 à mi-janvier 1996 le spectacle affiche complet, même lors des grandes grèves de décembre, après une longue tournée triomphale dans toute l’Europe, débutée en mai 1995 à la Biennale de Venise.

La Solitude, ce sont deux monologues, un combat de paroles : le dealer joue au chat avec son client avant d’être lui-même pris au piège des mots. Il n’y a pas d’affrontement au départ, c’est le client qui se met d’emblée sur la défensive, il suppose l’hostilité de l’autre à son égard et va finalement rendre l’affrontement inéluctable. « L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps sur l’échange des coups », avertissait Koltès.

« Mieux vaut parler à son pire ennemi que parler à personne »

La scène, bi-frontale, qui divise le public en deux groupes, fonctionne comme un miroir, une métaphore de la joute, de la séparation, de la différence. Elle rapproche aussi le jeu, confronte chaque spectateur à un alter-ego.

Dans cette 3e mise en scène de la pièce, Patrice Chéreau a souhaité mettre l’accent sur le désir, ce mot qui revient si souvent dans la bouche du client comme dans celle du dealer. Il en résulte une rencontre plus sensuelle entre les deux hommes, un ballet de séduction-répulsion rythmé au son de Karmacoma du groupe Massive Attack.
« Je n’ai pas, pour vous plaire, de désirs illicites », clame le client dès les premières minutes. Il martèle encore à la toute fin « il n’y a pas d’amour, pas d’amour ». Seulement la haine/attraction de deux êtres seuls avec eux-mêmes.

Ce lundi 10 décembre, Pascal Greggory était l’invité d’Augustin Trapenard pour Boomerang :