Thomas Ostermeier : sa première fois à l’Odéon

C’est au Festival d’Avignon 1999 que Thomas Ostermeier s’est fait connaître en France.
Trois de ses mises en scène y étaient programmées : Mann ist Mann (Homme pour homme) de Bertolt Brecht, Sous la ceinture de Richard Dresser, Shoppen & Ficken de Mark Ravenhill.
« Pour beaucoup, dit Brigitte Salino dans Le Monde*, ce fut le choc de l’été 1999 : la découverte du travail de Thomas Ostermeier au Festival d’Avignon. Le jeune metteur en scène allemand avait déjà présenté une ou deux productions en France, sans dépasser le cercle des amateurs. En l’invitant à Avignon, Bernard Faivre d’Arcier lui a ouvert les portes de la reconnaissance du public, qui lui a fait un triomphe.»

En janvier 2000, à 31 ans, il prend, avec la chorégraphe Sasha Walz, la direction de la Schaubühne de Berlin, la mythique salle de l’ouest, qu’il dirige encore aujourd’hui. Ils avaient commencé tous les deux en 1996. Elle à la Sophiensäle, une salle du quartier de Mitte ; lui à la Baracke, un théâtre de bois, assemblage de baraques de chantiers, mis à sa disposition par le Deutsches Theater.

Le théâtre en Allemagne a toujours vécu sur l’idée d’un théâtre national, dit alors Thomas Ostermeier. Nous rêvons de mettre en place un théâtre contemporain international, un centre où se croisent les disciplines. Je ne crois pas au théâtre politique, qui est trop souvent simplificateur. Mais j’ai le désir de changer le monde, à ma façon, en racontant de façon concrète des histoires qui témoignent de la réalité d’aujourd’hui.

Le Festival d’Avignon le programme presque chaque année et le nomme artiste associé du Festival 2004, mais on le découvre aussi à Paris au Théâtre de La Colline, dès 2001, aux Célestins de Lyon, au Théâtre national de Toulouse, aux Gémeaux de Sceaux avec Nora en 2004, puis Eldorado, Hamlet, Othello, Hedda Gabler

C’est en 2009, avec John Gabriel Borkman, d’Ibsen, que le public de l’Odéon découvre − enfin − le travail d’Ostermeier, à l’invitation d’Olivier Py.
Le spectacle a été créé en décembre 2008 au Théâtre national de Bretagne (Rennes) dans le cadre du partenariat de production européen Prospero.
John Gabriel Borkman, l’ancien banquier qui voulait faire le bonheur de l’humanité et qui a été condamné pour banqueroute fraduleuse, l’homme déchu qui vit désormais caché sous le toit de celle qu’il a aimée, est, selon le metteur en scène, « une figure de l’artiste, voire un double d’Ibsen lui-même. Ce qui fascine dans le personnage, c’est sa force de caractère. Il a tout perdu, il est vieux, ruiné, déshonoré, mais il persiste à croire que tout est possible. »

Travail au scalpel d’un Ibsen qui semble là un chirurgien du cerveau et qui, ayant tout saisi de la famille et de la société de son temps, en livre une sorte de scanner impavide qu’Ostermeier exhibe de face, dans un espace réduit à sa plus simple expression (scénographie de Jan Pappelbaum) mais soumis aux variations de lumières (Erich Schneider) les plus raffinées qui soient. Ce que l’esprit puritain scandinave peut induire de plus retenu dans un ardent quant-à-soi est ici inscrit dans des corps surprenants […] toujours sur le qui-vive. Ostermeier possède décidement une énergie productive et une capacité de renouvellement littéralement confondantes.
Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité du 20 avril 2009

Thomas Ostermeier reviendra à l’Odéon avec Dämonen [Les Démons] de Lars Norén en 2010, Mass für Mass [Mesure pour mesure] de Shakespeare en 2012, et enfin cette année pour la première fois avec des acteurs français, avec La Mouette, d’Anton Tchekhov.

*Le Monde du 1er janvier 2000