La vie serait taillée dans l’étoffe de nos rêves ?

Peut-on vraiment déchiffrer, au cœur de nos nuits, ce qu’expriment nos rêves ?
Et si, comme un musicien joue sa partition, notre vie n’était que l’interprétation de nos rêves ?

A-t-on encore le choix de chérir l’intraduisible en nous et de ne pas souhaiter tout contrôler ?

Le rêve ne peut-il être appliqué, lui aussi, à la résolution des questions fondamentales de la vie ?
demandait, en 1924, André Breton dans le Premier Manifeste du surréalisme.

Le rêve n’est rien sans son récit. « Il est le révélateur parfois dramatique, parfois merveilleux, mais souvent inquiétant, de ce qui commence à venir se faire présent à nous-mêmes », écrit la psychanalyste Anne Dufourmantelle*, « Le rêve est cette échappée, le temps d’une nuit, qu’aucune puissance au monde ne peut empêcher. »
Avant Freud le rêve était souvent perçu comme une sorte d’oracle venant de Dieu ou des dieux eux-mêmes. Dans L’interprétation des rêves (Die Traumdeutung, 1900) Freud considère le rêve comme accomplissement d’un désir inconscient, le rêve nous permettant d’accéder à l’inconscient à travers la façon dont il déforme nos pensées latentes dans le processus que Freud appelle le « travail du rêve ».
Les rêves révèlent ce que l’on essaie de cacher, mais ces rêves sont embrouillés comme un puzzle. La tâche de l’analyste est d’examiner ce puzzle et d’essayer de le remettre en place afin de découvrir le message envoyé par le subconscient.
Freud laisse aussi pourtant sa place à l’imaginaire du rêveur. Tout n’est pas traduisible et il restera toujours une énigme du rêve, une part inaliénable. Celle qui nourrit notre inspiration.

La psychanalyse et le cinéma sont nés dans la même année, en 1895.
La conception freudienne est particulièrement mise en évidence dans l’œuvre cinématographique Spellbound (La maison du Dr Edwardes) d’Alfred Hitchcock, sorti en 1945. « Je voulais tourner le premier film de psychanalyse », dira le réalisateur.
Hitchcock imprègne le film d’une ambiance freudienne, en particulier dans la fameuse scène du récit du rêve du jeune docteur, dont le décor a été pensé en collaboration avec Salvador Dali.

Quand nous sommes arrivés aux séquences de rêve, j’ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus, avec l’écran qui tremble, etc. J’ai demandé à Selznick de s’assurer la collaboration de Salvador Dali. Selznick a accepté, mais je suis convaincu qu’il a pensé que je voulais Dali à cause de la publicité que cela nous ferait. La seule raison était ma volonté d’obtenir des rêves très visuels avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l’aspect aigu de son architecture – Chirico est très semblable – les longues ombres, l’infini des distances, les lignes qui convergent vers la perspective… les visages sans forme…**

Chez Salvador Dali, comme chez Alfred Hitchcock, le rêve est d’abord une source d’invention, de création, une matière à… rêver.

 

*Anne Dufourmantelle : Intelligence du rêve. Fantasmes, apparitions, inspiration. Ed. Payot, 2012.
**François Truffaut : Hitchcock Truffaut. Ed. Gallimard,‎

La vie comme un songe
Sigmund Freud et l’interprétation des rêves
avec Anne Dufourmantelle, animé par Raphaël Enthoven
Samedi 11 Juin 2016 / 14h30
Odéon 6e / Grande Salle